1914-1918, Albert Alexandre B. mobilisé dans l’Armée Territoriale

En principe, l’armée territoriale ne participait pas aux combats, elle était affectée à la garde des bâtiments militaires et civils, à l’entretien, au matériel ou au ravitaillement, d’où le surnom de « pépères » pour les Territoriaux. Pourtant, dès fin août 1914, les plus jeunes Territoriaux viendront combler les pertes de l’Active et de la Réserve. Ainsi, au moins 60 000 Territoriaux succomberont au combat pendant le conflit. Voici l’histoire d’un Territorial, Perrotin et survivant, telle que la reflète la correspondance du temps de sa mobilisation.

Né le 28 mars 1875 aux Essarts-le-Roi, Albert Alexandre B. déclare la profession de carrier lorsqu’il est incorporé, le 16 novembre 1896. Il a tiré le « bon » numéro et fera donc le service militaire complet de trois ans comme le veut la Loi Freycinet du 15 juillet 1889, et conformément à la loi Cissey (1872), il est entré dans la « Grande Muette » et ne pourra pas, pendant toute cette durée, participer aux élections. Il rejoint le 160e Régiment d’Infanterie (RI) cantonné à Chartres sous les ordres du Colonel Féry. Promu sapeur au bout d’une année et caporal sapeur au terme de la seconde, il est envoyé en disponibilité le 20 septembre 1899.
Affecté dans la Réserve le 1er novembre 1899, après un court séjour à Paris, il vient s’installer menuisier-ébéniste dans un des deux locaux d’activités vétustes de l’ancienne Auberge Saint-Pierre, propriété de Théophile Leconte, avant sa démolition en 1907 et la construction de l’actuel immeuble du 86 rue de Paris en 1909. En 1902 et 1907, il accomplit deux périodes d’exercices d’un mois chacune aux 102e et 101e RI cantonnés à Dreux.
Installé désormais dans l’ancienne menuiserie Gouarin (actuel 70 rue de Paris), à partir du 1er octobre 1909, il est affecté dans la Territoriale au 104e Régiment d’Infanterie Territoriale (RIT) et accomplit une 3e période en 1911.

Suite à la Mobilisation générale, il arrive le 4 août 1914 au 29e RIT cantonné à Dreux, puis, versé dans la Réserve Territoriale, il est affecté en 1915 au 237e qui assurait des missions de garde confiées au camp retranché de Paris. Les événements de 1916 contribuent à redistribuer les effectifs territoriaux. Affecté en tant que menuisier ébéniste à la Poudrerie Nationale d’Angoulême du 1er avril 1916 au 1er juillet 1917, il échappe au tirage au sort qui envoie 311 de ses compagnons sur le Front Oriental dont une grande partie périt dans le torpillage du Croiseur Gallia (4 octobre 1916).

Plus de 14 500 ouvriers, 250 cadres pour produire 870 tonnes d’explosif chaque jour, sur 200 hectares de terre dont le programme de dépollution est en cours aujourd’hui depuis plus de dix ans. Suite aux pertes à Verdun et en Champagne, en dépit de son âge, il est affecté au 107e RI qui doit partir pour l’Italie. Ses états de service à Angoulême lui permettent d’être réaffecté le 16 juillet 1917 au 84e d’Artillerie Lourde et d’être détaché à la nouvelle poudrerie de Saint-Fons Belle Étoile, à Feyzin, près de Lyon. Il obtient du directeur de cet établissement d’être rapproché en rejoignant le 28 mai 1918 un atelier de la Poudrerie du Bouchet, à Ballancourt, en Seine et Oise (actuel 91) en étant affecté au 5e Régiment du Génie cantonné à Versailles. Le 6 février 1919, il rentre définitivement au Perray.
Affecté désormais au 104e Régiment d’Infanterie cantonné à Paris, il n’aura plus de période de service et sera définitivement libéré le 10 novembre 1924, à l’approche de son cinquantième anniversaire, après 28 années d’obligations militaires.

La correspondance – une centaine de cartes postales dont le texte ne correspond en rien aux vues présentées : souvent prises et commercialisées avant-guerre, elles sont distribuées aux soldats pour qu’ils écrivent « au minimum » – témoigne à la fois de la durée des voyages en train, de l’éloignement de sa chère Maria, des inquiétudes pour l’atelier déserté, de la fermeté envers son fils qu’il rabroue pour sa paresse scolaire, de l’obligation de ne rien dire de ses activités, de la volonté réelle ou induite de rassurer ses proches – il ne mentionne jamais ni sa santé, ni son moral, ni les accidents survenus – et même d’une lucidité prémonitoire : « Nous ne sommes pas près d’en avoir fini avec ces satanés Boches ! »

Si les vrais coûts sanitaires de la Grande Guerre sont difficiles à estimer, depuis quelques années on évoque les intoxications à long terme subies tant par les combattants que par les territoriaux, ouvriers et ouvrières – 1 600 000 au total, dont beaucoup de « coloniaux » sacrifiés, pour fabriquer, entre autres, 300 000 000 d’obus – qui ont travaillé dans les arsenaux, poudreries et usines réquisitionnées. Au regard des Morts pour la France, leur sort a été plus clément, mais nombre d’entre eux ont souffert de troubles cérébraux, digestifs, endocriniens, rénaux ou mentaux pendant de longues années. De 1930 à 1951, date de sa mort, Albert B., pourtant force de la nature, comme on dit, a montré progressivement tous les symptômes d’un empoisonnement…

En principe, l’armée territoriale ne participait pas aux combats, elle était affectée à la garde des bâtiments militaires et civils, à l’entretien, au matériel ou au ravitaillement, d’où le surnom de « pépères » pour les Territoriaux. Pourtant, dès fin août 1914, les plus jeunes Territoriaux viendront combler les pertes de l’Active et de la Réserve. Ainsi, au moins 60 000 Territoriaux succomberont au combat pendant le conflit. Voici l’histoire d’un Territorial, Perrotin et survivant, telle que la reflète la correspondance du temps de sa mobilisation.

Né le 28 mars 1875 aux Essarts-le-Roi, Albert Alexandre B. déclare la profession de carrier lorsqu’il est incorporé, le 16 novembre 1896. Il a tiré le « bon » numéro et fera donc le service militaire complet de trois ans comme le veut la Loi Freycinet du 15 juillet 1889, et conformément à la loi Cissey (1872), il est entré dans la « Grande Muette » et ne pourra pas, pendant toute cette durée, participer aux élections. Il rejoint le 160e Régiment d’Infanterie (RI) cantonné à Chartres sous les ordres du Colonel Féry. Promu sapeur au bout d’une année et caporal sapeur au terme de la seconde, il est envoyé en disponibilité le 20 septembre 1899.
Affecté dans la Réserve le 1er novembre 1899, après un court séjour à Paris, il vient s’installer menuisier-ébéniste dans un des deux locaux d’activités vétustes de l’ancienne Auberge Saint-Pierre, propriété de Théophile Leconte, avant sa démolition en 1907 et la construction de l’actuel immeuble du 86 rue de Paris en 1909. En 1902 et 1907, il accomplit deux périodes d’exercices d’un mois chacune aux 102e et 101e RI cantonnés à Dreux.
Installé désormais dans l’ancienne menuiserie Gouarin (actuel 70 rue de Paris), à partir du 1er octobre 1909, il est affecté dans la Territoriale au 104e Régiment d’Infanterie Territoriale (RIT) et accomplit une 3e période en 1911.

Suite à la Mobilisation générale, il arrive le 4 août 1914 au 29e RIT cantonné à Dreux, puis, versé dans la Réserve Territoriale, il est affecté en 1915 au 237e qui assurait des missions de garde confiées au camp retranché de Paris. Les événements de 1916 contribuent à redistribuer les effectifs territoriaux. Affecté en tant que menuisier ébéniste à la Poudrerie Nationale d’Angoulême du 1er avril 1916 au 1er juillet 1917, il échappe au tirage au sort qui envoie 311 de ses compagnons sur le Front Oriental dont une grande partie périt dans le torpillage du Croiseur Gallia (4 octobre 1916).

Plus de 14 500 ouvriers, 250 cadres pour produire 870 tonnes d’explosif chaque jour, sur 200 hectares de terre dont le programme de dépollution est en cours aujourd’hui depuis plus de dix ans. Suite aux pertes à Verdun et en Champagne, en dépit de son âge, il est affecté au 107e RI qui doit partir pour l’Italie. Ses états de service à Angoulême lui permettent d’être réaffecté le 16 juillet 1917 au 84e d’Artillerie Lourde et d’être détaché à la nouvelle poudrerie de Saint-Fons Belle Étoile, à Feyzin, près de Lyon. Il obtient du directeur de cet établissement d’être rapproché en rejoignant le 28 mai 1918 un atelier de la Poudrerie du Bouchet, à Ballancourt, en Seine et Oise (actuel 91) en étant affecté au 5e Régiment du Génie cantonné à Versailles. Le 6 février 1919, il rentre définitivement au Perray.
Affecté désormais au 104e Régiment d’Infanterie cantonné à Paris, il n’aura plus de période de service et sera définitivement libéré le 10 novembre 1924, à l’approche de son cinquantième anniversaire, après 28 années d’obligations militaires.

La correspondance – une centaine de cartes postales dont le texte ne correspond en rien aux vues présentées : souvent prises et commercialisées avant-guerre, elles sont distribuées aux soldats pour qu’ils écrivent « au minimum » – témoigne à la fois de la durée des voyages en train, de l’éloignement de sa chère Maria, des inquiétudes pour l’atelier déserté, de la fermeté envers son fils qu’il rabroue pour sa paresse scolaire, de l’obligation de ne rien dire de ses activités, de la volonté réelle ou induite de rassurer ses proches – il ne mentionne jamais ni sa santé, ni son moral, ni les accidents survenus – et même d’une lucidité prémonitoire : « Nous ne sommes pas près d’en avoir fini avec ces satanés Boches ! »

Si les vrais coûts sanitaires de la Grande Guerre sont difficiles à estimer, depuis quelques années on évoque les intoxications à long terme subies tant par les combattants que par les territoriaux, ouvriers et ouvrières – 1 600 000 au total, dont beaucoup de « coloniaux » sacrifiés, pour fabriquer, entre autres, 300 000 000 d’obus – qui ont travaillé dans les arsenaux, poudreries et usines réquisitionnées. Au regard des Morts pour la France, leur sort a été plus clément, mais nombre d’entre eux ont souffert de troubles cérébraux, digestifs, endocriniens, rénaux ou mentaux pendant de longues années. De 1930 à 1951, date de sa mort, Albert B., pourtant force de la nature, comme on dit, a montré progressivement tous les symptômes d’un empoisonnement…

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